cerf, silure et sanglier
Posté : lun. 28 oct. 2019 09:11
« Cette montagne n'est donc que d'eau ? », je me demandais, ce mercredi, nageant d'un bras tandis que de l'autre je me cramponnais à ma carabine. Etais-je un ruisseau ou un chasseur ? De cerf il n'y eut pas sous le déluge, et une fois secs, nous nous vengeâmes sur une belle choucroute près d'une cheminée accueillante.
un semblant d'éclaircie sous le déluge
Le lendemain, je m'étendais sur un fil pour finir de sécher mes os, tandis que la fière équipe partait avec Henri à la poursuite de son Graal, après avoir séché les armes et la poudre.
Mais le vendredi, l'eau me manquait déjà, et je rejoignis mon bateau sur son lac. La pêche fut modeste mais pas nulle, ensoleillée à souhait, me soufflant de filer à l'ouest le lendemain, dans le Lot, chasser le sanglier. Ah le Lot, ses causses plats ou presque, où l'eau ne se la pète pas comme dans le Cantal. Il y a même des vallées sèches, des rivières se cachent sous terre, et quand il y pleut, c'est signe de beau temps. J'emportais la Sauer 202 en 9.3 x 62, LE calibre à grands cervidés, qui n'avait pas eu la chance de s'exprimer depuis longtemps.
modeste mais pas nulle
Et samedi matin nous sommes une douzaine de 16 à 89 ans, sans compter les chiens, tous plus jeunes cependant. La météo est annoncée superbe, il fait pourtant un petit 5 degrés avec un souffle du nord désagréable au possible jusqu'à 10-11 heures. Les chiens prennent un petit sanglier de 15 kg environ sur la première attaque, craignant probablement que nous le rations. La confiance, bordel ! Nous tombons enfin les vestes. Ah, on est bien.
Pour la première traque de l'après-midi, je suis envoyé sur un poste que je sais rejoindre seul. Il y en a quelques-uns comme ça, et je me fais le pari d'y aller d'un coup d'un seul. Mais avant je dois emmener Jeannot récupérer sa voiture à quelques kilomètres, il était probablement piqueux le matin. Je le placerai à 200 mètres au-dessus de mon poste.
Il roule mollo, Jeannot, et je l'attends par deux fois, puis j'intersectionne à la bifurcation idoine, ou l'inverse, mais toujours idoine, et je prends bieeennnn à gauche justouyfaut cette fois (je m'étais gouré une fois). Je suis presque arrivé quand je me rends compte que ce Jeannot-là m'a posé un lapin et ne figure plus dans le rétroviseur. Même en tapotant dessus ! Je marcharrière* sur 300 mètres sans casse, ça m'arrive aussi. Je commence à m'inquiéter un rien du temps qui passe. Il s'est arrêté à la culture à gibier, veut y rester, et consulte même la géographie de nos postes sur mon téléphone (Iphigénie) .
Je repars à donf, arrive pile face au passage le moins difficile, me gare, et sors de l'auto. C'est quoi t'est-ce ? entends-je des chiens. Est-ce qu'il fut-ce t'il qu'il se passât déjà des choses ? Et on ne m'aurait rien dit ? … Oups, Mortecouille, la radio ... Que je mets en marche, le chargeur que je mets en place, la carabine que je mets sous le bras, la casquette fluo que je mets sur la tête. Je franchis en même temps le vieux grillage couché, et mets le pied sur la clôture électrifiée neuve pour la franchir. La menée vient vers moi, bordel, que je suis (bien trop) à la bourre .... Tlom tlom tlom **! que ça fait au sol, pas loin ... Hein, déjà ? Je me sors du multi-fil électrique presque élégamment, la bête noire m'apparaît à 20 mètres et fait un 90 degrés à droite tandis que j'épaule d'un mouvement presque parfait dans un 90 degrés à gauche..
Où qu'il est ? Ah, le voilou dans la lunette, dans le mètre hâché de rares petits chênes entre bois et clôture ! La carabine me surprend par sa lente et presque douce poussée sur mon épaule. C'est quand même incroyable comment l'accélération des sens modifie les perceptions. L'animal sort du champ de la lunette au tir ... Je me maudis de ne pas avoir cadré plein cul, car sans y réfléchir, j'ai pris à côté du cuissot pour un tir fin. Quel con je fais, il n'a pas boulé, j'ai fait une balle de rien ...
Radio, je raconte l'animal raté, qui est apparemment resté dans la traque, craignant peutêtre le jus. C'est déjà ça. Les deux chiens d'Erwan ont été surpris par le virage brusque du sanglier et ont franchi la clôture. Ils perdent bien sûr la voie restée de ce côté, hésitent visiblement à revenir tâter les volts qui débordent des quatre fils.
Je ramasse ma douille, j'avance penaud vers le point de tir, à 30-40 mètres, avec bien sûr ces quelques grammes d'espoir qu'on ne peut jamais ôter. La bête a planté des quatre fers là, alors qu'on ne voyait pas de trace avant cela. Bizarre ! Touché ? Une loupiote rose d'espoir éclaire vaguement mon dépit. J'avance encore, et je trouve soudain du sang assez abondant pour qu'un vieux chasseur quasi borgne, astigmate, myope et presbyte puisse le suivre facilement. Trente ou quarante mètres encore, plus aucun sang ? Ah ! Le sanglier est là. Mort.
tombé là
avec la 9.3
J'annonce, tout à ma joie. La balle est entrée exactement où je l'ai bêtement voulue, à l'abdomen, juste avant les côtes, et est sortie sous le cou. J'embarque ma bête pour le local de préparation, où elle sera au frais.
Et Laurent, l'homme aux gascons***, m'installe pour la dernière traque. Je suis loin du cœur de la battue, sur une refuite possible, heureux comme un jeune pape. Diane, après tant d'eau et l'insuccès au chamois, tant d'eau et l'insuccès au cerf, tant d'eau pour un petit silure, enfin me rend justice aujourd'hui. Et c'est moi qui suis, bizarrement, sous le chêne.
sous mon chêne
J'entends des chiens ou leur écho très loin, et très vite il y a une ambiance folle à la radio. Les gascons ont lancé. La bête passe au poste d'Erwan qui lâche deux tirs – quatre avec l'écho- si près l'un de l'autre qu'on ne saura jamais laquelle arrive la première. L'animal ne s'arrête pas, comme si le 35 Whelen, comme le 9.3 un peu avant, n'avaient pas pris leurs vitamines le matin. Erwan annonce la présence de sang abondant, c'est une ferme 300 mètres plus loin et la laie de 45 kg environ blesse – assez légèrement -un gascon avant de succomber. Elle a de beaux crochets.
Erwan
Pour la première fois, nous avons chacun notre sanglier dans une même journée de chasse.
*action de reculer avec un engin mécanique, mot nouveau
** je dis pas qu'ils font tous ce bruit, mais c'était absolument ça sur sol calcaire enherbé moyennement humide.
*** il se croit propriétaire de chiens, alors que huit Gascons le possèdent ...
un semblant d'éclaircie sous le déluge
Le lendemain, je m'étendais sur un fil pour finir de sécher mes os, tandis que la fière équipe partait avec Henri à la poursuite de son Graal, après avoir séché les armes et la poudre.
Mais le vendredi, l'eau me manquait déjà, et je rejoignis mon bateau sur son lac. La pêche fut modeste mais pas nulle, ensoleillée à souhait, me soufflant de filer à l'ouest le lendemain, dans le Lot, chasser le sanglier. Ah le Lot, ses causses plats ou presque, où l'eau ne se la pète pas comme dans le Cantal. Il y a même des vallées sèches, des rivières se cachent sous terre, et quand il y pleut, c'est signe de beau temps. J'emportais la Sauer 202 en 9.3 x 62, LE calibre à grands cervidés, qui n'avait pas eu la chance de s'exprimer depuis longtemps.
modeste mais pas nulle
Et samedi matin nous sommes une douzaine de 16 à 89 ans, sans compter les chiens, tous plus jeunes cependant. La météo est annoncée superbe, il fait pourtant un petit 5 degrés avec un souffle du nord désagréable au possible jusqu'à 10-11 heures. Les chiens prennent un petit sanglier de 15 kg environ sur la première attaque, craignant probablement que nous le rations. La confiance, bordel ! Nous tombons enfin les vestes. Ah, on est bien.
Pour la première traque de l'après-midi, je suis envoyé sur un poste que je sais rejoindre seul. Il y en a quelques-uns comme ça, et je me fais le pari d'y aller d'un coup d'un seul. Mais avant je dois emmener Jeannot récupérer sa voiture à quelques kilomètres, il était probablement piqueux le matin. Je le placerai à 200 mètres au-dessus de mon poste.
Il roule mollo, Jeannot, et je l'attends par deux fois, puis j'intersectionne à la bifurcation idoine, ou l'inverse, mais toujours idoine, et je prends bieeennnn à gauche justouyfaut cette fois (je m'étais gouré une fois). Je suis presque arrivé quand je me rends compte que ce Jeannot-là m'a posé un lapin et ne figure plus dans le rétroviseur. Même en tapotant dessus ! Je marcharrière* sur 300 mètres sans casse, ça m'arrive aussi. Je commence à m'inquiéter un rien du temps qui passe. Il s'est arrêté à la culture à gibier, veut y rester, et consulte même la géographie de nos postes sur mon téléphone (Iphigénie) .
Je repars à donf, arrive pile face au passage le moins difficile, me gare, et sors de l'auto. C'est quoi t'est-ce ? entends-je des chiens. Est-ce qu'il fut-ce t'il qu'il se passât déjà des choses ? Et on ne m'aurait rien dit ? … Oups, Mortecouille, la radio ... Que je mets en marche, le chargeur que je mets en place, la carabine que je mets sous le bras, la casquette fluo que je mets sur la tête. Je franchis en même temps le vieux grillage couché, et mets le pied sur la clôture électrifiée neuve pour la franchir. La menée vient vers moi, bordel, que je suis (bien trop) à la bourre .... Tlom tlom tlom **! que ça fait au sol, pas loin ... Hein, déjà ? Je me sors du multi-fil électrique presque élégamment, la bête noire m'apparaît à 20 mètres et fait un 90 degrés à droite tandis que j'épaule d'un mouvement presque parfait dans un 90 degrés à gauche..
Où qu'il est ? Ah, le voilou dans la lunette, dans le mètre hâché de rares petits chênes entre bois et clôture ! La carabine me surprend par sa lente et presque douce poussée sur mon épaule. C'est quand même incroyable comment l'accélération des sens modifie les perceptions. L'animal sort du champ de la lunette au tir ... Je me maudis de ne pas avoir cadré plein cul, car sans y réfléchir, j'ai pris à côté du cuissot pour un tir fin. Quel con je fais, il n'a pas boulé, j'ai fait une balle de rien ...
Radio, je raconte l'animal raté, qui est apparemment resté dans la traque, craignant peutêtre le jus. C'est déjà ça. Les deux chiens d'Erwan ont été surpris par le virage brusque du sanglier et ont franchi la clôture. Ils perdent bien sûr la voie restée de ce côté, hésitent visiblement à revenir tâter les volts qui débordent des quatre fils.
Je ramasse ma douille, j'avance penaud vers le point de tir, à 30-40 mètres, avec bien sûr ces quelques grammes d'espoir qu'on ne peut jamais ôter. La bête a planté des quatre fers là, alors qu'on ne voyait pas de trace avant cela. Bizarre ! Touché ? Une loupiote rose d'espoir éclaire vaguement mon dépit. J'avance encore, et je trouve soudain du sang assez abondant pour qu'un vieux chasseur quasi borgne, astigmate, myope et presbyte puisse le suivre facilement. Trente ou quarante mètres encore, plus aucun sang ? Ah ! Le sanglier est là. Mort.
tombé là
avec la 9.3
J'annonce, tout à ma joie. La balle est entrée exactement où je l'ai bêtement voulue, à l'abdomen, juste avant les côtes, et est sortie sous le cou. J'embarque ma bête pour le local de préparation, où elle sera au frais.
Et Laurent, l'homme aux gascons***, m'installe pour la dernière traque. Je suis loin du cœur de la battue, sur une refuite possible, heureux comme un jeune pape. Diane, après tant d'eau et l'insuccès au chamois, tant d'eau et l'insuccès au cerf, tant d'eau pour un petit silure, enfin me rend justice aujourd'hui. Et c'est moi qui suis, bizarrement, sous le chêne.
sous mon chêne
J'entends des chiens ou leur écho très loin, et très vite il y a une ambiance folle à la radio. Les gascons ont lancé. La bête passe au poste d'Erwan qui lâche deux tirs – quatre avec l'écho- si près l'un de l'autre qu'on ne saura jamais laquelle arrive la première. L'animal ne s'arrête pas, comme si le 35 Whelen, comme le 9.3 un peu avant, n'avaient pas pris leurs vitamines le matin. Erwan annonce la présence de sang abondant, c'est une ferme 300 mètres plus loin et la laie de 45 kg environ blesse – assez légèrement -un gascon avant de succomber. Elle a de beaux crochets.
Erwan
Pour la première fois, nous avons chacun notre sanglier dans une même journée de chasse.
*action de reculer avec un engin mécanique, mot nouveau
** je dis pas qu'ils font tous ce bruit, mais c'était absolument ça sur sol calcaire enherbé moyennement humide.
*** il se croit propriétaire de chiens, alors que huit Gascons le possèdent ...