la vallée sèche
Avec quelques soucis finissants de Lyme et d'autres à leur commencement, j'avais décidé de quand même profiter d'une proposition de chasse au brocard au sein d'un petit groupe de copains, en un endroit que nous garderons secret. Seul, je serais resté au frais … Deux heures de route nous amènent dans le Quercy blanc*, où je découvre que notre gîte est équipé d'une piscine. Après un réhydratant mitonné par Monsieur Heineken et servi par René, notre hôte, nous prenons une légère collation à base de crudités auvergnates**. Et c'est parti pour la première chasse.
Nous prenons un chemin quelque part, à moins d'un kilomètre du gîte. Plus de trente degrés encore. Je renonce aux gants, pas à la cagoule. L'équipement « résille » de G est affriolant, au moins pour la biche et le sanglier. Le brocard avec lequel rendez-vous avait été fixé par mon guide me pose un lapin qui fait lui-même un faux-bond, ce qui montre à quel point il n'est pas là … Seule son amoureuse, accompagnée du descendant d'une liaison passée me tient gentiment compagnie toute la fin de soirée. Si Monsieur n'est pas du soir, du matin il sera, me dis-je. A demain donc ! Gilles, que nous appellerons G par discrétion, observe chevrette, (trop) petit brocard , biche et son faon, sanglier et glière. Ça fait beaucoup pour un seul homme, même si sanglier n'est pas cent gliers.
Je dors du sommeil du juste suant jusqu'à cinq heures et quelques minutes. Et retour au même endroit, avec la même observation … moins le chevrillard. Je suis logé sur une chaise d'affût à laquelle ne manque qu'un compartiment réfrigérateur et une climatisation. Et un monte-échelle Astana, pendant qu'on y est.
Toujours autant de monde pour Gilles qui veut un renard … et voit tout le reste. Comme il ne fait que vingt-x degrés, nous visitons après la chasse ce vaste monde, reforesté en partie par l'exode rural d'après la guerre, et brutalisé une nouvelle fois par la déprise agricole. Les prairies deviennent des chaumes jaunâtres inutilisés parsemés d'épines noires et d'arbustes. Presque pas de moutons dans ce Quercy-là. Luzernes ou céréales assez rares soutiennent la vie sauvage et attirent chevreuil, sanglier, palombe.
Nous nous arrêtons près d'une combe fraîche d'apparence, semée de luzerne, pour y jeter un œil. Un brocard fait sa cour et la belle lui cède sans barguigner en présence de deux magnifiques chevrillards qui jouent gaiement. Je ne pense même pas à faire de photo, tant la scène est superbe. G installe pour moi la chaise d'affût en fin de matinée. Et nous retrouvons Nicole et Marc qui nous rejoignent. Pour ne rien dévoiler, nous les appellerons N et M.
Vingt heures et un brin, je suis sur la chaise ; il fait chaud. Un piaf de marque non déterminée vient se poser à moins de deux mètres, camouflé à souhait que je suis. Vingt et une heures, rien … Il faut peut-être que je bouge, aller voir la parcelle d'à côté ? Que non, un chevrillard apparaît dans mon champ de vision qui est de luzerne aussi, puis sa maman, puis le beau garçon. Photo-je ? J'ai peur de perdre cette occasion et ma carabine me tend la crosse... Un peu plus de cent mètres, de profil, je repère sa position au mieux, je vise la base du cou.
Je ne vois que du jaune orangé au tir, pas d'animal tombant ou fuyant. Madame, après avoir pesté contre l'orage ou les feux d'artifice, continue à manger à vingt mètres, le chevrillard à mener sa vie. Le mâle doit être tombé, car sa fuite aurait alerté sa belle. J'attends dix minutes, la chevrette est enfin au bord du champ, je descends l'échelle et je vais à la recherche de mon animal. Je me dis que j'aurais dû tirer au thorax car… je l'ai raté ou quoi ? Ouf, il est là, tombé dans ses pas. Je me reconnecte avec le plaisir de la belle prise et du tir parfait.
Où tomba le six
Pendant ce temps, à un kilomètre de là, la chose se passe moins bien pour N. Le chevreuil titube … et s'enfuit. Morosité. Le lendemain matin, je dépose G à la recherche d'un renard ou d'un beau brocard, puis je file vers ma nouvelle adresse espérant observer plein d'animaux, et tirer éventuellement un renard. Rien sur le chaume, je descends de la chaise et je pirsche tranquillement, quand je suis averti par G qu'il a tué. Congratulations. Nous revenons au gîte juste pour voir le départ de N et M vers leur recherche au sang. Les Lotois sont magnifiquement organisés.
le brocard de G est le plus beau des trois
Le chevreuil sera mis sur pied en une heure et pris par le chien de sang (Rouge de Bavière, ou Blanc d'Alsace, je ne me souviens guère). Balle de sternum en séton. L'objectif des trois chevreuils est atteint, N fête son brocard et nous quitte ensuite, avec M. Un peu de visite du territoire, et retour sur mon fauteuil arboricole le soir.
G. m'a initié à la chasse du renard aux appâts, traînant la peau d'un brocard et dispersant quelques entrailles sur un chaume connu pour l'existence de terriers proches … Un renardeau ne manque pas de venir, et je ne le manque pas non plus. Le lièvre abonde dans cette zone et le responsable nous demande de tirer les renards autant que possible.
Dernier matin de chasse, la nuit a été chaude. Au sens premier du terme. J'arrive presque au pied de l'échelle quand une forme noire apparaît ; un sanglier. C'est merveilleux, je l'observe à loisir en train de glaner, je le photographie comme je peux. Une forme noire traverse l'objectif. Marcassin ? Non renard. Il est très mobile et j'ai du mal à le tenir dans le réticule de la lunette. Grande flamme. Ni chute ni fuite observée … Sans doute mort. Je ne le trouve pas. Probablement manqué, je suis consterné, car je n'aime pas le doute qui suit le mauvais tir.
une laie, je crois
Je pars chercher G. pour démonter l'échelle et nous trouvons ensuite sans problème les deux renards. C'est une femelle adulte, elle est tombée dans sa trace. Je marche de travers, mais je tire droit.
animaux observés
le tableau dans sa totalité
* il s'appelle ainsi car il est chauffé à blanc
** comportent du jambon cru, de la saucisse sèche, des fromages au lait cru
