mon pays
Puis le désir de chasse est un peu revenu, et j'ai surtout observé, et un peu tiré, mais à côté d'un sanglier, à côté d'un mouflon. Les chamois, j'avais juste regardé. Vieillir est une sale affaire, mais cela me semble la moins mauvaise pour l'heure. Et puis vint cette invitation au pigeon, et, de pigeon en alouette, le chemin n'est pas long.
Manque de chance, un Corse évadé de son île et caché en Lozère un temps a réussi à rejoindre le Cantal. Où je l'ai accompagné pour tirer un éterlou. Tout migrant mérite attention. Il faisait très beau, avec un vent soutenu qui m'incitait à chasser par le bas, mais il a préféré les hauteurs. Nous arrivons à la nuit finissante et croisons six ou sept chamois partis faire un tour sur la commune voisine. Trop loin, trop vite ... Un trio pâture à perpète. Considérant qu'il peut y aller tout en restant couché, Pisca poursuit sa nuit en dessous des bruyères, arrive à 120 mètres environ, constate qu'il y a deux chèvres et un cabri, et revient sans plus les ennuyer.
Munis de nos piolets, nous franchissons ensuite le Peyre Arse et mon excellent ami disparaît soudain entre une touffe d'herbe et un petit caillou. Des chamois il a vus. Plein. Séance de glissade sur le cul et de rétropédalage dans la bruyère pour contourner le sommet. Le bougre est pressé et j'en perds mes gants quittés pour mieux tenir la férule qui assure mes pas ; ou pas. Il termine l'approche tandis que je reste trente mètres en arrière. Mais voilà, c'est une cartouche pourrie, dont seul le bruit paraît correct ... La troupe s'éloigne de 50 mètres, juste surprise, puis continue doucement de descendre vers ses forts en broutant vaguement. Il est quasi l'heure de la sieste caprine, il faut dire, dix heures. Nous fouillons et refouillons l'endroit sous le regard benêt d'un trio. Balle de rien. Cent soixante dix mètres, c'est plusieurs fois la largeur de l'île, et inhabituel pour lui ... Jamais je n'avais vu cet homme maladroit et il avoue sous la torture que son coup de feu est parti un peu trop vite dans la délicate alchimie des gants et du stecher.
Après lui avoir fourni l'assistance psychologique qui convient à un orgueil bien refroidi, et attendu que les dernières bêtes basculent hors de vue, il commence sa seconde approche dans les genêts et je la suis aux jumelles. L'éterlou est foudroyé, ce qui prouve qu'en appuyant presque le canon sur le cœur, il reste un bon tireur. 102 mètres.
l'aventure et les tirs, là où vécut l'osso-bucco
S'ensuit un bon repas vers quinze heures et nous rentrons heureux comme de jeunes papes. L'ayant ainsi remis sur de bons rails, j'ai voulu poursuivre son éducation en lui apprenant à tirer l'alouette. Mais, cet éterlou à peine refroidi, j'ai dû conclure que mes méthodes de rangement ne me permettraient pas de retrouver l'appeau à alouette que je croyais pourtant accroché, et même raccroché à jamais au bois d'un grand cerf, dans mon repaire sous le toit. La migration peut-être ? Les appeaux aussi ? La chasse se fera sans cet indispensable outil, ce qui nuira à la productivité sur des labours nus sous un vent sévère. Je ne tue que deux alouettes mais je reviens avec neuf, et deux grives musiciennes. Choisir ses amis est une règle de ma vie.
Un joli drilling, six alouettes et un geai des chênes
Dimanche, alouettes à ma table ... Quatre par convive plus une grive mise à cuire trois minutes plus tôt, dans du lard demi-salé en petits cubes et un rien d'huile. Du beurre pour griller les tranches de pain à la poêle. Armagnac pour déglacer la cocotte. Le nectar réduit arrosera les alouettes sur leurs croûtons gras et parfumés. Un rien de sel peut-être -attention à l'effet lardons- et poivre. Et treize minutes de concentration, juste dix pour les alouettes. La meilleure bouteille de vin rouge de la cave est sacrifiée. C'est un cahors, cuvée Proebus du Clos Triquenida de 2002. La der. Ce n'est pas vraiment dans les tarifs d'un retraité de l'agriculture.
cuisson
Le plat sera un délice. Il succédait à un fameux filet de chevreuil lozérien dégusté la veille. Il précédera un magistral osso-buco de chamois le lundi. Il y a des moments comme cela dans la vie d'un chasseur.
Osso-bucco mmhhhh !!!!
