Atteint par la limite d'âge, récemment opéré de mon oeil directeur, et un genou fracassé par les excès, je n'aurai vraisemblablement plus le plaisir de souffrir sur la voie du sang. Alors comme tous les vieux je vais plonger dans mes souvenirs et vous conter quelques histoires dont la plupart étaient racontées dans le précédent Forum.net …
Nous sommes le jeudi 24 février, Paul est assis sur une « kanzel », mirador fermé, il attend patiemment les sangliers qui viendront refaire un peu de graisses en cette fin d’hiver, c’est-à-dire à proximité d’un agrainage ! … À 22h30, alors qu’il fait nuit noire un « keiler » d’environ 100 kg s’installe pour le dîner. À peine arrivé, la 7x64 envoie une balle Nosler Partition qui le fait sursauter de douleur mais avec courage, il réussit à s’enfuir dans le fourré le plus proche. Certain de l’avoir touché, Paul descend du mirador équipé de sa lampe de poche et cherche en vain quelques indices qui pourraient lui confirmer que la « Bête » a été touchée. Comme demain il sera encore en vacances, il reviendra seul afin de faire les recherches nécessaires. Bon pisteur, il ne tardera pas à trouver quelques gouttes de sang puis la direction de fuite vers la sortie du bois, le champ de colza et le bois d’en face. Malheureusement ni le colza ni le bois d’en face ne sont sur son territoire de chasse, ce qui l’oblige à déposer son arme le long du gros chêne. Dans le colza, les traces sont faciles à suivre car le sanglier traîne les pattes sur les côtés. Dans le bois d’en face, les traces sont plus difficiles à suivre, mais avec une grande habileté dans la végétation, notre ami Paul se trouve bientôt face à face avec le « monstre » … Et bien sûr sans arme ! … Il prend alors les jambes à son cou, mais ne croyez pas qu’il ait peur, c’était uniquement pour aller chercher la carabine. De retour dans le bois d’en face, le sanglier est toujours dans sa remise, mais lorsqu’il entend le claquement caractéristique de l’arme cela lui rappelle un mauvais souvenir et il décide de s’enfuir. Paul pense que tout est foutu, mais il continue néanmoins le pistage qui devient pratiquement impossible dans cette régénération de hêtres et surtout parce que la « Bête » a rejoint une troupe de jeunes animaux. Heureusement la présence d’un large chemin permet à Paul de trouver que son sanglier, à lui, n’a pas suivi la troupe en le traversant. Les traces de sang trahissent le passage de notre sanglier quelques mètres sur la gauche. Cinquante mètres plus loin le face à face final a lieu, la 7x64 claque pour la dernière fois après 1km de pistage, notre « Bête » s’écroule avec une balle qui lui a traversé la tête avant de se loger dans le coup.
Le sanglier pesait 85 kg vidé, il avait plus de 3 ans voire 4 ou 5 selon l’examen dentaire, ses défenses sortaient de 6 cm, et il avait les deux pattes avants cassées ! …
La voie du sang
- Reineke
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La voie du sang
La peur et l'angoisse sont les pires poisons que l'esprit peut produire
- Jeandela
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Re: La voie du sang
Merci pour le récit. Les bonnes aptitudes du pisteur ont été récompensées ! Bonne récupération pour ton œil…
"On a deux vies, et la deuxième commence le jour où l'on se rend compte qu'on n'en a qu'une." Confucius
Re: La voie du sang
C'est parfois chaud et c'est ce qui fait les souvenirs.
- Reineke
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Re: La voie du sang
La Ferme de Bertaucry
A la limite de deux départements cette grande ferme céréalière possède un bois dans la Marne et un autre dans les Ardennes. Nous sommes au début octobre 2004, je viens de fêter mon 1er anniversaire et je savoure sur mon canapé notre réussite à l’épreuve de l’UNUCR, quand le téléphone sonne … … …
C’est « Loulou » le copain armurier de mon maître, et j’entends : Nous avons chassé aujourd’hui à Bertaucry et un traqueur à blessé un gros sanglier, est-ce que tu peux venir demain à 9h00 ? …
Bien sûr que l’on peut venir car nous n’avons rien d’autre à faire mais j’espère qu’il ne va pas trop pleuvoir ! …
À 9h00 précise, nous sommes à la ferme, après un petit café, les rôles sont répartis, le garde prendra sa carabine et Loulou prendra la 444 de mon maître car il paraît que le terrain est difficile et comme il a plu à sceau toute la nuit, j’ai l’impression que le plaisir s’estompe. Le bois est un mélange d’essences salement arrangé par la tempête de 99, il y en a dans tous les sens et en plus le sous-étage est constitué d’une forêt de buis. À l’anschuss, il n’y a aucun indice alors que le traqueur a trouvé un morceau de graisse, selon l’avis de mon maître, le tir n’a pas pu excéder 3,5 m et il est vraisemblable que la balle a éraflé l’animal. Je prends une décision et parts en direction d’un chemin où se trouvent le garde et Loulou. De l’autre côté c’est l’enfer pas pour moi, mais pour mon maître qui m’imite à 4 pattes, je passe facilement sous les têtes d’arbre mais lui n’arrive pas à avancer. Quant aux deux autres nous ne savons plus où ils sont, alors vous pensez si le « Gros nous charge » nous ne sommes pas à la noce, moi attaché à la longue et le maître à plat ventre. Après 400m de gymnastique, mon maître décide d’arrêter sur un chemin et nous attendons les copains, qui arrivent en rigolant comme si nous étions à la foire ! …
Ce sanglier n’a jamais été revu et n’a jamais été retrouvé mort dans ce bois de plaine de 200 à 300 ha.
La morale de cette histoire : Même quand c’est perdu, il faut essayer… … …
Je vous raconterai le jour où nous avons réussi alors qu’il n’y avait plus rien à faire.
A la limite de deux départements cette grande ferme céréalière possède un bois dans la Marne et un autre dans les Ardennes. Nous sommes au début octobre 2004, je viens de fêter mon 1er anniversaire et je savoure sur mon canapé notre réussite à l’épreuve de l’UNUCR, quand le téléphone sonne … … …
C’est « Loulou » le copain armurier de mon maître, et j’entends : Nous avons chassé aujourd’hui à Bertaucry et un traqueur à blessé un gros sanglier, est-ce que tu peux venir demain à 9h00 ? …
Bien sûr que l’on peut venir car nous n’avons rien d’autre à faire mais j’espère qu’il ne va pas trop pleuvoir ! …
À 9h00 précise, nous sommes à la ferme, après un petit café, les rôles sont répartis, le garde prendra sa carabine et Loulou prendra la 444 de mon maître car il paraît que le terrain est difficile et comme il a plu à sceau toute la nuit, j’ai l’impression que le plaisir s’estompe. Le bois est un mélange d’essences salement arrangé par la tempête de 99, il y en a dans tous les sens et en plus le sous-étage est constitué d’une forêt de buis. À l’anschuss, il n’y a aucun indice alors que le traqueur a trouvé un morceau de graisse, selon l’avis de mon maître, le tir n’a pas pu excéder 3,5 m et il est vraisemblable que la balle a éraflé l’animal. Je prends une décision et parts en direction d’un chemin où se trouvent le garde et Loulou. De l’autre côté c’est l’enfer pas pour moi, mais pour mon maître qui m’imite à 4 pattes, je passe facilement sous les têtes d’arbre mais lui n’arrive pas à avancer. Quant aux deux autres nous ne savons plus où ils sont, alors vous pensez si le « Gros nous charge » nous ne sommes pas à la noce, moi attaché à la longue et le maître à plat ventre. Après 400m de gymnastique, mon maître décide d’arrêter sur un chemin et nous attendons les copains, qui arrivent en rigolant comme si nous étions à la foire ! …
Ce sanglier n’a jamais été revu et n’a jamais été retrouvé mort dans ce bois de plaine de 200 à 300 ha.
La morale de cette histoire : Même quand c’est perdu, il faut essayer… … …
Je vous raconterai le jour où nous avons réussi alors qu’il n’y avait plus rien à faire.
La peur et l'angoisse sont les pires poisons que l'esprit peut produire
- Reineke
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Re: La voie du sang
Le brocard du Châlet
Nous sommes en novembre 2004 et à cette époque, nous vivons sur 3 départements différents, ce qui n’est pas pratique car nous ne sommes jamais au bon endroit et au bon moment pour faire des recherches.
Néanmoins, ce jour-là nous avons été appelé sur la chasse d’un copain de mon maître sur la montagne de Reims pour rechercher un brocard tiré la veille lors d’une battue.
Dans cette expédition, nous sommes accompagnés par le garde et un chasseur qui néanmoins n’était pas le tireur. Et, les explications d’usage sont les suivantes : « Le tireur était là, il a tiré le brocard là, celui-ci prend la balle et se sauve dans cette direction ». Nous voilà rassurés, car ici c’est du sérieux, après avoir passé la botte et sa fameuse longe, je suis parti… … … dans l’autre direction. Dans l’entourage, c’est la stupeur de tous et mon maître me ramène à l’anschuss et je repars comme la première fois (Les Bretons sont soi-disant têtus ! …) à l’incompréhension générale, mais mon maître a la sagesse de me faire confiance. Le terrain devient difficile car il y a beaucoup de jeunes ronces et elles piquent les pattes. Après, 300m, je suis attiré par une bonne odeur de panse, mais le garde explique qu’elle appartenait à un faon tiré hier par l’ami de mon maître. Donc, nous repartons pour arriver sur un grand chemin, là il y a du sang partout et je décide de prendre sur la gauche pour le suivre pendant une trentaine de mètres jusqu’à l’ordre d’arrêt de mon maître. Le garde lui expliquera que les animaux morts ont été transportés sur ce chemin par un 4x4. Avec difficulté, nous cherchons l’entrée du brocard dans les ronces à l’opposé du chemin, et voilà, j’ai trouvé une goutte de sang qui n’avait rien à voir avec le transport de la veille. Ici, les ronces sont encore pires que de l’autre coté mais je prends mon temps pour sentir chacune d’elle, je tourne, je vire, ce qui permet à mon maître de constater quelques gouttes de sang. Déjà 600m que nous progressons dans ce bordel et soudain je n’arrive plus à avancer… Nous faisons alors chaque coulée sur une dizaine de mètres et revenons au dernier sang ! … Le garde, qui avait un rendez-vous, nous quitte en pensant que l’affaire était close, et que l’animal ne serait pas retrouvé. Néanmoins, nous continuons nos investigations pendant plus de 20 minutes, pour êtres enfin récompensés de retrouver sous les ronces à moins de 5m du dernier sang, une magnifique chevrette morte d’une balle haute de cuissot droit.
A bientôt, Ügo.
La morale de cette histoire : Les explications ne doivent jamais être prises pour une réalité absolue, direction, type d’animal, poids, etc. … …
Il y a une photo, je la recherche et si je… vous la verrez ! …
Nous sommes en novembre 2004 et à cette époque, nous vivons sur 3 départements différents, ce qui n’est pas pratique car nous ne sommes jamais au bon endroit et au bon moment pour faire des recherches.
Néanmoins, ce jour-là nous avons été appelé sur la chasse d’un copain de mon maître sur la montagne de Reims pour rechercher un brocard tiré la veille lors d’une battue.
Dans cette expédition, nous sommes accompagnés par le garde et un chasseur qui néanmoins n’était pas le tireur. Et, les explications d’usage sont les suivantes : « Le tireur était là, il a tiré le brocard là, celui-ci prend la balle et se sauve dans cette direction ». Nous voilà rassurés, car ici c’est du sérieux, après avoir passé la botte et sa fameuse longe, je suis parti… … … dans l’autre direction. Dans l’entourage, c’est la stupeur de tous et mon maître me ramène à l’anschuss et je repars comme la première fois (Les Bretons sont soi-disant têtus ! …) à l’incompréhension générale, mais mon maître a la sagesse de me faire confiance. Le terrain devient difficile car il y a beaucoup de jeunes ronces et elles piquent les pattes. Après, 300m, je suis attiré par une bonne odeur de panse, mais le garde explique qu’elle appartenait à un faon tiré hier par l’ami de mon maître. Donc, nous repartons pour arriver sur un grand chemin, là il y a du sang partout et je décide de prendre sur la gauche pour le suivre pendant une trentaine de mètres jusqu’à l’ordre d’arrêt de mon maître. Le garde lui expliquera que les animaux morts ont été transportés sur ce chemin par un 4x4. Avec difficulté, nous cherchons l’entrée du brocard dans les ronces à l’opposé du chemin, et voilà, j’ai trouvé une goutte de sang qui n’avait rien à voir avec le transport de la veille. Ici, les ronces sont encore pires que de l’autre coté mais je prends mon temps pour sentir chacune d’elle, je tourne, je vire, ce qui permet à mon maître de constater quelques gouttes de sang. Déjà 600m que nous progressons dans ce bordel et soudain je n’arrive plus à avancer… Nous faisons alors chaque coulée sur une dizaine de mètres et revenons au dernier sang ! … Le garde, qui avait un rendez-vous, nous quitte en pensant que l’affaire était close, et que l’animal ne serait pas retrouvé. Néanmoins, nous continuons nos investigations pendant plus de 20 minutes, pour êtres enfin récompensés de retrouver sous les ronces à moins de 5m du dernier sang, une magnifique chevrette morte d’une balle haute de cuissot droit.
A bientôt, Ügo.
La morale de cette histoire : Les explications ne doivent jamais être prises pour une réalité absolue, direction, type d’animal, poids, etc. … …
Il y a une photo, je la recherche et si je… vous la verrez ! …
Modifié en dernier par Reineke le ven. 17 juin 2022 17:17, modifié 1 fois.
La peur et l'angoisse sont les pires poisons que l'esprit peut produire
- Jeandela
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Re: La voie du sang
Merci pour le partage.
« Jusqu’au bout », n’est-ce pas ?
« Jusqu’au bout », n’est-ce pas ?
"On a deux vies, et la deuxième commence le jour où l'on se rend compte qu'on n'en a qu'une." Confucius
Re: La voie du sang
Quelle belle chasse que le Châlet .... j'y ai trainé mes guêtres fut un temps !